Le débat sur l’efficacité de l’homéopathie connaît un nouvel épisode. Ne l’estimant pas plus utile qu’un placebo, une prestigieuse revue médicale proclame la fin de cette médecine alternative créée à la fin du 18e siècle. Faut-il pour autant jeter vos granules ?
Reconnue de fait par les instances officielles, mais vilipendée par la médecine “classique“, l’homéopathie est depuis sa création l’objet de très vives controverses. Que pensez réellement de ces granules aux noms barbares ?
Une théorie controversée datant du 18e siècle
Depuis plusieurs années, l’homéopathie connaît un véritable succès. Prescrits par plus de 150 000 médecins à plus de 300 millions de patients à travers le monde, les petites billes blanches reposent sur un principe datant de la fin du 18e siècle. Samuel Hahnemann teste sur lui-même les effets de la quinine, utilisée alors en faible dose contre la malaria. Pour mieux en connaître les effets secondaires, il s’en injecte de fortes doses. Surprise : il expérimente alors tremblements, palpitations cardiaques, fièvres, autant de symptômes propres à la maladie que ce médicament est censé soigner. Il n’en fallait pas plus au médecin allemand pour développer le “principe de similitude“.
Par la suite, les principes de dilution et succussion (agitation du résultat de la dilution) et le principe de corrélation (qui attribue à chaque patient un “terrain“ dont dépendra son traitement) ont défini l’homéopathie telle que nous la connaissons encore aujourd’hui.
Pour répondre aux nombreux détracteurs de cette théorie, les médecins homéopathes et les industriels concernés ont voulu démontrer que les effets de ces médicaments étaient supérieurs au mystérieux effet placebo. Reprenant les méthodes scientifiques et statistiques de la médecine allopathique (traditionnelle), certaines études ont été publiées dans des revues scientifiques de qualité. Mais c’est toute cette bibliographie scientifique qui est aujourd’hui sérieusement remise en cause par une équipe scientifique de l’université de Berne (Suisse).
Des preuves d’efficacité qui se diluent…
Epluchant les résultats des publications scientifiques et écartant les études à la qualité douteuse, les chercheurs ont ainsi sélectionné 110 études comparant les effets de médicaments homéopathiques par rapport à l’effet placebo et 110 autres comparant des médicaments allopathiques, pour les mêmes troubles (1). Les maladies étudiées étaient très variées : infections respiratoires, manifestations allergiques, affections gynécologiques, neurologiques ou gastro-intestinaux. Ne retenant finalement que les meilleures recherches (14 sur 220), les auteurs estiment que rien ne permet de dire que l’homéopathie a un effet supérieur au placebo, contrairement aux médicaments traditionnels.
Ce dernier élément de controverse intervient quelques mois après que l’Académie nationale de médecine ait demandé en France la fin du remboursement des médicaments homéopathiques (2). Le Pr. Maurice Guéniot dénonçait alors un Far-West thérapeutique.
Outre la publication de cette étude, le prestigieux magazine médical The Lancet (3) estime que « les médecins doivent être honnêtes avec leur patient sur l’absence de bénéfice de l’homéopathie et honnêtes avec eux-même sur l’incapacité de la médecine moderne à satisfaire la demande de soins personnalisés ».
Revaloriser la relation médecin-patient
Face à une telle volée de bois vert, le laboratoire Boiron, leader mondial de spécialités homéopathiques, se devait de relever la tête… et accessoirement le cours de son action en bourse qui ne manqua pas de plonger. Dénonçant le caractère agressif adopté par la revue médicale, son communiqué (4) critique le choix des études retenues, s’appuyant notamment sur “3 précédentes méta analyses (études combinant les résultats de plusieurs autres études) conclut à l’efficacité des médicaments homéopathiques“ (5, 6, 7). Mais en épluchant ces références, il apparaît qu’aucune n’a jamais conclu catégoriquement à une telle efficacité, toutes appelaient à plus de recherches de qualité afin de pouvoir se prononcer.
Dénonçant un lobby anti-homéopathie, le laboratoire français annonce une multiplication par huit de ses investissements en recherche dans les trois ans. Estimant décidément la pilule dure à avaler, il souligne que : “cette attaque du Lancet intervient curieusement alors qu’un rapport préliminaire de l’Organisation Mondiale de la Santé présente des conclusions favorables à l’homéopathie. The Lancet s’en offusquerait-il et chercherait-il à faire pression sur l’Organisation Mondiale de la Santé ?“.
En conclusion, cette nouvelle controverse ne saurait définitivement enterrer une pratique, dont l’efficacité reste pour le moins discutable. Au-delà de ce débat, l’engouement pour ces médecines alternatives ne souligne-t-il pas les limites de notre médecine ? En privilégiant la technique et en minimisant la relation médecin-patient, les consultations de quelques minutes peuvent laisser sur leur faim des malades, devenus clients d’un système de santé trop déshumanisé. Au-delà du décryptage du génome ou des prouesses extraordinaires de l’imagerie, on peut se demander si le progrès médical peut faire l’économie d’une meilleure valorisation du rapport humain.
David Bême
1 – Lancet. 2005 Aug 27-Sep 2;366(9487):726-32.2 – Communiqué de l’Académie de médecine, le 6 septembre 20043 – Lancet. 2005 Aug 27-Sep 2;366(9487):690. (The end of homoeopathy)4 – Communiqué des laboratoires Boiron5 – BMJ. 1991 Feb 9;302(6772):316-23. 6 – Report to the European Commission (1996).7 – Lancet. 1997 Sep 20;350(9081):834-43.Click Here: new zealand rugby team jerseys