En cette saison estivale plus ou moins marquée, s’il est bien un produit que l’on retrouve dans toutes les trousses de toilette, c’est la crème solaire… Mais d’après des tests réalisés par une chercheur indépendante et publiés dans le journal Libération, au moins 25% des crèmes testées auraient une protection inférieure à celle affichée sur l’étiquette. Les tests officiels sont-ils pertinents? Devrait-on revoir la réglementation? Eléments de réponse.
D'après des tests indépendants, environ 1 crème solaire sur 4 serait moins efficace qu'annoncé.
Nos crèmes solaires nous protègent-elles réellement des rayonnements UV ? Certaines moins que d’autres, d’après la Pr Laurence Coiffard, directrice du Laboratoire Pharmacie Industrielle et cosmétologie à l’université des Nantes, qui publie les résultats de ses tests réalisés sur 32 crèmes solaires
dans le quotidien Libération. Et c’est là que le bât blesse : entre 25 % et 30 % des 200 crèmes testées au total n’avaient pas l’efficacité annoncée. Les tests in vivo sont davantage sujets à cautionUne crème solaire indiquant un FPS (
facteur de protection solaire) de 45 a une efficacité protectrice* théorique de 45. Or, après être passée au crible des tests du Pr Coiffard, le FPS ne se révèle être que de 22. Comment expliquer une telle différence ? Par la nature même des tests mis en œuvre, selon la spécialiste.En fait, pour déterminer le SPF**, les industriels utilisent la méthode de Colipa, un test réalisé in vivo, sur l’homme. Grosso modo, il s’agit de calculer le rapport existant entre le temps nécessaire pour obtenir un coup de soleil avec et sans produit, sur une surface de peau de dix centimètres sur dix sur le dos de volontaires exposé à une dose croissante d’UVB. La dose utilisée de produit solaire de 2 mg par cm2*.Or, d’après la Pr Laurence Coiffard, ces tests in vivo posent problème, notamment parce qu’il est possible de biaiser les résultats (en ajoutant des anti-inflammatoires soupçonne-t-elle). Pour elle, les tests in vitro, réalisés en laboratoire sur des cellules en culture (ou des morceaux de peau de porc, etc.) exposées à des rayons UV , devraient primer.Des conditions peu réalistes qui peuvent induire en erreurEn 2002,
l’association UFC Que choisir dénonçait déjà l’opacité autour des tests mis en œuvre pour déterminer le facteur de protection solaire, déplorant un écart important entre la protection qui ressort des tests en laboratoire et le niveau de protection atteint en situation réelle. En plus des facteurs extérieurs tels que la sueur, le frottement des vêtements, etc., en conditions réelles, le consommateur utiliserait 3 à 4 fois de crème à l’application que dans les tests…D’ailleurs, les autorités avaient également reconnu le problème puisque dans un
rapport de synthèse sur les produits de protection solaire publié en 2006 par l’Afssaps (aujourd’hui ANSM), il est noté que la “dose appliquée pour les essais (2mg/cm2) est environ 3 fois plus élevée que la quantité couramment utilisée par les consommateurs“. Les experts proposaient notamment de revoir les modes de détermination des SPF pour mieux prendre en compte la variabilité individuelle. Au final, les experts reconnaissaient avantages et inconvénients à chacune des deux méthodes, in vitro et in vivo, recommandant une meilleure véaluation des premières et des réajustements des secondes. Des ajustements nécessaires mais non effectués
Au niveau européeen aussi, les tests sont l’ojet d’interrogation. En
2006, la CE recommande d’accorder la préférence “à la méthode d’essai invitro donnant des résultats équivalents, car les méthodes invivo soulèvent des préoccupations d’ordre éthique. L’industrie devrait accroître ses efforts afin de développer des méthodes d’essai in vitro pour la protection contre les rayons UVB et UVA“. Ce que le Pr Coiffard leur reproche de ne pas avoir fait depuis.
Pour Corine Bertolotto, directrice de recherche Inserm, au sein de l’équipe “Biologie et pathologie des cellules mélanocytes : de la pigmentation de la peau aux mélanomes“ au Centre Méditerranéen de Médecine Moléculaire Nice, les tests in vitro réalisés actuellement “ne prennent pas en compte la structure de la peau, le phototype et la réaction de l’organisme“. Quant aux tests in vivo, ils ne tiennent pas suffisament compte de “l’hétérogénéité dans les phototypes. Pour définir pleinement l’efficacité des crèmes qui vont être achetées par des individus de tous les phototypes, il apparaît peut être important d’effectuer au préalable des tests sur ces différents phototypes“. La prévention reste de mise Si effectivement les tests actuellement en vigueur sont perfectibles, ils restent la référence pour le moment. Gageons qu’ils vont s’accompagner de tests supplémentaires actuellement en développement pour, au final, améliorer la sécurité des protections solaires et protéger au mieux la santé des consommateurs. Pour le Pr Coiffard, “la réglementation changera naturellement avec les nouvelles données“. Chaque année, près de 80 000
cancers de la peau sont diagnostiqués. Avec 9780 nouveaux cas estimés en 2011, l’incidence des mélanomes (cancer de la peau le plus grave du fait de son potentiel métastatique) a plus que triplé entre 1980 et 2005 (source :
InVS).Rappelons qu’une crème solaire est indispensable pour protéger la peau des rayons du soleil, surtout chez les tout-petits. Il ne faut pas s’exposer entre 11h et 16h, mettre une crème adaptée à son phototype et la renouveler autant de fois que nécessaire (notamment après un bain). Il est aussi, et surtout, indispensable de protéger les enfants avec chapeau, lunettes et tee-shirt, surtout entre“ 11h et 16h00.Des réflexes indispensables pour réduire les risques de cancer de la peau.Yamina Saïdj* Si par exemple, une personne a un coup de soleil au bout de 15 minutes sans protection, un indice de protection (IP) 10 signifie qu’il lui faudra 150 minutes, soit 2 heures 30 pour obtenir le même coup de soleil avec la crème solaire.** Le SPF mesure la protection contre les UVB, pas les UVA (qui n’est jamais indiquée). Généralement, la protection UVA correspond à environ un tiers de la protection UVB.Source : “Faut-il faire la peau aux crèmes solaires ?“, paru dans Libération le 14 août 2012, article
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